Thomas Bernardet et Christophe Viart du 13 avril au 4 mai 2002
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Christophe Viart a le don de dénuer les objets indispensables de notre
vie pratique de tout emploi. Les meubles de classement paradoxalement vides,
flottent ici nonchalamment au dessus du sol. Le teste d'intelligence est quant
à lui compromis, mis à mal par le regard lascif d'une jeune
femme. C'est ainsi la vacuité de nos vanités qui est en jeu.
Sans craindre de passer pour un sacripant, cet artiste nantais cherche surtout
à faire apparaître l'absence et le vide lié à toute
existence. Nul discours fataliste, encore moins nihiliste ne hante le travail
de Christophe Viart, qui s'amuse des ambiguïtés de la langue et
jongle avec les opacités et les transparences. Et très vite
une image s'impose, incontournable, celle de l'axolotl (larve d'amphibien)
symbole de l'éternelle jeunesse, évoqué par Daumal, Borges,
ou encore Cortazar.
"Ce qui m'intéresse, c'est moins l'animal que sa représentation,
dans la littérature, la peinture. Il est quand même fabuleux
que cet animal puisse rester toute sa vie à l'état ftal,
ou bien devenir salamandre."
L'axolotl entretient une étrange filiation avec ces objets auxquels
Viart a retiré tout usage. Comme eux, il reste en suspension immobile,
fantôme.
Ecureuil et lapin
Pourtant, les figures tutélaires de Viart sont inépuisables.
L'axolotl n'est pas l'un des moindres, non plus que les alevins, image de
la répétition, de la profusion qui donne tout son sens au mot
reproduction. Mais les deux figures maîtresses du bestiaire de Viart
sont deux experts en discrétion : l'écureuil et surtout le lapin
qui nous offre son arrière train sur le carton d'exposition : "Le
lapin est un animal qui met en défaut son chasseur par des ruses qui
lui sont propres et que le chasseur doit démasquer."
Le jeune toulousain, Thomas Bernardet, travaille avec les signes nés
de la modernité technologique, comme les chiffres des compteurs sur
les lecteurs de disques compacts. Mais son travail s'inscrit plus largement
dans une tradition documentaire, qui passe par le grand Johan Van der Keuken.
"La seule chose que je documente, c'est ma présence", disait
ce dernier, dont le film testament, "Vacances prolongées"
montrait, avec une bouleversante vigueur, que vivre et filmer peuvent être
une seule et même chose. Chez Bernardet, tous les moments de vie sont
susceptibles d'être retenus par l'objectif, y compris les moments dits
"creux", comme ceux qui succèdent d'une soirée DJ.
La série "End of a party" est donc sensible a des gestes
infimes qui gonfle un paysage, comme la brise gonfle des bâches.
A cet égard la vidéo et la photo offrent des possibilités
pour ne garder que l'essence des choses, c'est à dire l'activité
pure : il est donc possible de faire du skate sans skate.
Murielle Durand G.